Souvenez- vous de ceux
qui sont en prison
Car vous partagez
leur épreuves
He 13;3
Lorsque
nous participons
à la réhabilitation
de la personne
privée de liberté,
nous contribuons
aussi à la réhabilitation
de la victime.
J.M.J
L'abbé Rodhain
Du fascicule
"La Prison et l'Église" d'André Clavier, je cite :
"En 1945, l'abbé Rodhain, qui avait organisé durant l'occupation allemande l'aumônerie des prison-niers de guerre", à la demande de l'Assemblée des cardinaux et archevêques de France.
Elle était chargée de représenter les aumôniers auprès de l'Administration pénitentiaire, de défendre leurs points de vue et d'aider au règlement des conflits qui pourraient surgir.
Elle avait surtout pour but d'aider les aumôniers dans l'exercice de leur ministère spirituel, de répondre à l'appel fraternel des prêtres qui s'adresseraient à elle, de susciter des vocations et de préparer des aumôniers de prison vraiment spécialisés, tout particulièrement pour les grands établissements.
Elle visait, d'autre part, à humaniser les institutions et les règlements et, grâce à son Service social, à étudier les besoins des détenus, à proposer idées et réalisations possibles en liaison avec les autres services sociaux s'occupant des prisons.
Histoire de l'aumônerie
… Les grandes
étapes historiques de
l'aumônerie catholique des prisons
Une grande partie
des éléments d'histoire rapportés dans les
pages qui
suivent sont dus au Père André Clavier qui fut
longtemps
aumônier à la maison d'arrêt de la
Santé
à Paris et qui a écrit de nombreux articles
historiques
dans " la lettre".
"Vers la fin du 1er siècle parut un écrit qui
fut attribué à un certain Matthieu
apôtre, dans
lequel était rapportée une parole du Christ qui
allait
marquer l'Eglise d'une manière
indélébile et
à perpétuité : "J'étais en prison et
vous
êtes venus me visiter ..." (Mt 25, 36). Les
persécutions
des chrétiens, dès la fin du 1er
siècle et au long
du 2ème siècle, allaient amener les
chrétiens
à mettre en pratique Mt 25,36 ainsi que la demande expresse,
exprimée par Paul dans une lettre aux Hébreux
(13, 3) de
visiter les "frères" emprisonnés et leur famille.
Epoque
Constantinienne (IVe siècle)
L'Eglise connaît la paix et accède au pouvoir
; elle va se soucier de tous les prisonniers et obtenir même
le
droit d'asile pour les fugitifs (419), la libération des
prisonniers le jour de Pâques ou pour l'intronisation d'un
évêque, voire pour les besoins de certaines processions. XIIe
siècle
Quand l'Eglise institua ses propres prisons (12ème
siècle), il y eut alors deux types de prisons : celles
relevant
du Seigneur, du Roi, dont les conditions d'existence étaient
abominables et celles, relevant de l'Eglise et réservés
aux tonsurés, où le régime
était plus humain et dont la peine de mort était bannie. XVIIe siècle
Le 6 février 1619, Monsieur Vincent est nommé aumônier réal des galères par Louis XIII : "C'est ayant compassion desdits forçats et désirant qu'ils profitent spirituellement de leurs peines corporelles". Par cette nomination, une aumônerie officielle s'étoffe, se structure et le rôle des aumôniers se précise : être autant attentifs aux besoins matériels que spirituels des prisonniers :
"Les pauvres ne sont-ils pas les membres affligés de Notre Seigneur ? Ne sont-ils pas nos frères ?
Etsi les prêtres les abandonnent, qui voulez-vous qui les assiste ? De sorte que s'il s'en trouve parmi vous qui pensent qu'ils sont à la Mission pour évangéliser les pauvres et non pour les soulager, pour remédier à leurs besoins spirituels et non temporels, je réponds que nous les devons assister en toutes manières…"
XVIIIe siècle
Lorsqu'en 1748, les geôles sont remplacées par les bagnes (bateaux amarrés au large de certains ports), l'Eglise y sera présente, soit en la personne des aumôniers, soit par les curés des paroisses avoisinantes.
Le Siècle des Lumières ouvre une ère nouvelle, des criminalistes, tel Beccaria, vont s'inspirer des philosophes et encyclopédistes pour réformer autant la conception de la peine que son exécution.
La Déclaration de l'Homme et du Citoyen (1791) ouvre à l'humanisation de la peine et de son exécution (31 mai 1791 : la Constituante supprime la torture et adopte la guillotine). Les châtiments corporels sont remplacés par la prison qui est alors conçue comme une peine dont le but est d'amender le coupable, cela à l'exemple d'expériences chrétiennes Outre-Alantique et de certains monastères : c'est la prison qui devient peine et peine principale, en remplacement de ces châtiments corporels. Mais elle est, elle aussi, châtiment et elle n'est toujours, en fait, que châtiment…
Mais que ce soit sous la Convention ou l'Empire, bien vite le sécuritaire l'emportera sur les droits des individus et leur amendement. Et la place des aumôniers se réduira au culte du dimanche et des jours de fêtes. XIXe siècle
Avec la Restauration (1816-1830), l'Eglise reprend pied dans la Société et la religion apparaît comme essentielle dans l'amendement des coupables. L'aumônier prend une très grande place dans les prisons; le 25 décembre 1819, les aumôniers reçoivent un statut officiel, des Commissions charitables administratives sont créées : "Bien rétribué, il est entouré d'égards qui marquent encore plus son rang au-dessus de tous les employés". On s'inspire des Etablissements anglais et américains, ainsi de ce qu'en disent de nombreux exilés revenus en France pour concevoir de nouveaux régimes d'incarcération. Des Sociétés sont fondées pour visiter les prisonniers.
Compte-rendu de la réunion de l'Inspection Générale des prisons du 12 avril 1841 concernant le "projet d'institution d'une aumônerie générale pour les prisons" : "Considérant que, dans l'intérêt du service moral et religieux des prisons, il importe que les emplois d'aumôniers soient confiés à des prêtres éclairés, dévoués et déterminés à les accepter par esprit de charité et par vocation… est d'avis… que le personnel de l'aumônerie soit composé d'un évêque qui porterait le titre de grand aumônier et de trois ou quatre ecclésiastiques placés sous ses ordres… Que la nomination du grand aumônier soit faite par ordonnance royale. Qu'enfin les ecclésiastiques attachés à l'aumônerie soient nommés par le grand aumônier et agréés par le Ministère.
En 1841, des religieuses regroupées dans la Congrégation des Sœurs de Marie-Joseph et de la miséricorde remplacent progres -sivement les surveillantes laïques dans de nombreux établissements.
Cette expansion du religieux dans les prisons suscitera bien des critiques et des suspicions de la part de l'Inspection Générale des Prisons qui demandera :
- une formation sérieuse des aumôniers, nommés par le préfet sur proposition de l'évêque ;
- la séparation des pouvoirs spirituels et temporels
- la création d'une aumônerie générale des prison
Il faudra attendre la Seconde République (1848) pour voir les jeunes être séparés des adultes dans les prisons françaises. Des colonies agricoles sont ouvertes, encadrées par des religieux.
Historique
Avec le Second
Empire (1852-1870), c' est le
sécuritaire qui s'impose de plus en plus : transportation
aux
colonies (efficace moyen "d'amender l'homme par la terre et la terre
par l'homme"), suppression des visiteurs de prisons. Mais aucun
changement concernant le statut des aumôniers.
En 1866, une congrégation voit le jour : les
Sœurs de Béthanie, fondée par un
dominicain, le
Père Lataste, qui accueille, indistinctement d'anciennes
détenues et des jeunes filles de "bonne famille".
Sous la IIIème République (1870?1940), la
justice pénale reçoit mission de
"protéger la
société, d'éliminer les criminels
nés et
les délinquants d'habitude et de mettre en
sûreté
... les autres".
Les "lois laïques" enlèvent progressivement
à l'Eglise sa présence dans tous les secteurs de
la vie
publique. Des aumôniers restent admis dans les prisons comme
dans
tous les établissements publics à internat pour
que soit
respectée la liberté de conscience des
détenus
(C'est toujours à ce titre que nous sommes admis dans les
prisons !).
Pas moins de 80 établissements départementaux seront construits
jusqu'en
1910, dont beaucoup sont encore debout.
XXe siècle
Un fort courant de laïcisation se dessine qui aboutira
à l'éviction du religieux dans les prisons. Les
aumôniers ne seront plus salariés (1905), les
religieuses
seront expulsées de 12 établissements (sauf
Saint-Lazare
et le Dépôt de la Préfecture de Paris)
(1906-1907)
et les aumôniers des prisons militaires seront
supprimés
(1908).
En 1911, l'Administration pénitentiaire,
dépendant du Ministère de l'Intérieur,
passe au
Ministère de la Justice.
En 1923, un décret rappelle, avec de nouvelles restrictions, la place du religieux en prison et le rôle des aumôniers. C'est le modèle des actuels règlements intérieurs des Etablissements.
Après la dernière guerre, à la demande des Cardinaux et Archevêques de France, le Père Rodhain crée l'Aumônerie générale des prisons, après avoir mis sur pied l'Aumônerie des prisonniers de guerre.
Le 6 février 1947, une ordonnance définit le rôle des aumôniers : "L'aumônier est nommé et démis par le Garde des Sceaux. Il apporte aux détenus les secours de la religion et les visites individuellement ou en groupe, en vue de les aider dans leurs efforts de redressement. Il ne doit exercer qu'un rôle spirituel".
En 1954, un Congrès international des Aumôniers de prison se tient à Fribourg.
En 1955, l'Aumônerie Générale Catholique crée une Commission nationale composée des divers types d'établissements.
En 1965,la Commission nationale va être étoffée par des représentants régionaux des neufs régions pénitentiaires.
En 1978, paraît le premier numéro de la "Lettre aux Aumôniers". La Commission nationale devient le Conseil national et sa composition n'a pas changé depuis.
Une circulaire ministérielle du 29 Janvier 1980 a pour objet l'agrément des Ministres du culte catholique. L'autorité religieuse à consulter pour la constitution des dossiers de candidature reste l'évêque, mais également l'aumônier général des prisons pour les aumôniers à temps plein ou à temps partiel pour les maisons d'arrêt importantes et les établissements pour peines; l'évêque et l'aumônier régional pour les petits établissements.
A partir de 1981, le Congrès de l'Aumônerie, qui avait lieu tous les 10 ans, a lieu désormais tous les cinq ans.
Pour la première fois en Juillet 84, les premiers diacres, les premières religieuses et les premiers laïcs arrivent dans l'aumônerie, collaborant avec des aumôniers et préfigurant ainsi l'aumônerie demain.
En Octobre 1985, le Conseil National rend compte de son nouveau fonctionnement : c'est sa première réforme d'importance.
En 1987, la "Lettre aux Aumôniers" devient la "Lettre aux Aumôneries"
En Juillet 1988, deux circulaires concernent :
- l'agrément des aumôniers titulaires (rétribué ou bénévole) des établissements pénitentiaires,
- la nomination d'auxiliaires bénévoles et les conditions d'exercice de leur mission :
"Un auxiliaire bénévole pourra être nommé dans tout établissement pénitentiaire, quelque soit sa capacité, dans la mesure où il serait dépourvu des services d'un aumônier rémunéré ou bénévole, un auxiliaire bénévole pourra être agréé à raison d'un auxiliaire pour deux cents détenus … pour une durée de deux ans renouvelable.
Les auxiliaires d'aumônerie ne seront pas autorisés à avoir des entretiens individuels avec les détenus, cette fonction étant dévolue aux visiteurs de prison dans les conditions fixées par le CPP…"
En 1994, deux circulaires réglementent la nomination des aumôniers et des auxiliaires bénévoles d'aumônerie. Les auxiliaires bénévoles (prêtres, diacres, laïcs, religieuses) ont la responsabilité des rencontres de détenus, en groupe. A propos des auxiliaires bénévoles, cette mesure qui reste en vigueur :"Un auxiliaire bénévole d'aumônerie pourra être nommé dans tout établissement pénitentiaire, quelle que soit sa capacité, dans la mesure où il serait dépourvu d'un aumônier rémunéré ou bénévole.
Un auxiliaire pourra être agréé à raison d'un auxiliaire pour deux cents détenus, dans les établissements de grosse capacité pourvus d'un aumônier rémunéré ou bénévole. Pour les établissements pourvus d'un aumônier rémunéré ou bénévole dont la population pénale n'atteindrait pas deux cents détenus, ce quota pourra être ramené à un auxiliaire pour cent cinquante détenus."
En 1998, le Conseil national adopte un nouveau règlement pour le choix des membres.
En 1999, un décret modifiant le Code de Procédure Pénale précise que "les aumôniers ont pour mission de célébrer les offices religieux, d'administrer les sacrements et d'apporter aux détenus une assistance pastorale".
Une circulaire de la Direction de l'Administration pénitentiaire fixe à 75 ans la limite d'exercice de toutes fonctions dans les aumôneries des différents cultes.